[Entraîneur] Stéphane Dumont >> juin 2028 (+1 an en option)

[Vince_23]

L’est éclair :

Jeudi matin, sur la terrasse de l’hôtel Bel’O du Chambon-sur-Lignon, Stéphane Dumont nous a accordé un entretien de près d’une heure, autour d’un café.

L’objet de l’interview était uniquement le jeu, la tactique, en évacuant les sujets du mercato et des cas individuels, qui prennent beaucoup de place dans l’espace médiatique habituellement.


Avant de démarrer, l’entraîneur de l’Estac nous a fait savoir qu’il ne voulait surtout pas donner l’impression de vouloir tout révolutionner cette saison dans le jeu de son équipe. Il souhaite y apporter des subtilités, tout en continuant à véhiculer des valeurs positives.

On dit souvent que pour un entraîneur, le stage est l’occasion d’imprégner ses principes de jeu : est-ce vraiment le cas ?


Je pense que les principes sont déjà plutôt ancrés, globalement, de la saison précédente. Le stage est à mi-chemin entre la possibilité de continuer à imprégner les principes et celle de partager des moments de cohésion, pour découvrir l’autre dans d’autres circonstances. Mais pour parler de foot, oui, on va un peu plus dans le détail, on a des séances bien fournies, on a la possibilité de se voir tous les jours et de manière constante en vidéo, par petits groupes, par lignes… C’est intéressant.

C’est d’autant plus appréciable que la saison dernière, vous n’aviez pas eu cette possibilité en arrivant à Troyes en août…

Il y a des choses qu’on fait différemment quand on a le temps. Quand on arrive un peu dans la précipitation, on doit plus colmater qu’imprégner, et après on court après le temps. À l’heure où on parle, il y a peut-être 90 % de joueurs qui étaient déjà là, ou en tout cas que j’ai côtoyés la saison dernière, donc forcément tu peux imprégner encore plus que dans une période où, de suite, tu dois être en faculté de colmater.

Vous dites pouvoir aller dans le détail : quoi par exemple ?

La reconstruction de binômes, de complémentarités, de trios, dans les couloirs, que ça soit sur le plan humain, sur le plan du jeu, tactiquement, la capacité à se découvrir. On ne joue pas pareil quand on a un droitier et un gaucher dans l’axe de la défense que quand on a deux droitiers. Ça, il faut le comprendre quand on joue, ce sont des évolutions à avoir. Voilà, c’est tout ça qu’on essaye de commencer à imprégner, parce que les choses, de manière globale, sont plutôt ancrées.

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Avoir un gaucher comme Gozzi dans l’axe au côté de Monfray plutôt qu’un droitier comme Diaz, ça change beaucoup de choses ?

C’est totalement différent. Sur des formations plus basses sur le terrain, le gaucher est capable d’avoir une certaine forme de passes dans le couloir de jeu direct (sur sa gauche). Ce ne sera pas la même que celle que Junior (Diaz) pouvait avoir, parce qu’il se retrouvait sur son mauvais pied. Sur la faculté de fixer, d’avoir un renversement à l’opposé, de couvrir (son latéral), de couper, quand on se retrouve sur son bon ou son mauvais pied, ce sont des adaptations purement tactiques à avoir. Quand ça coulisse, avoir dix mètres de plus ou dix mètres de moins, parce qu’on sait qu’on va pouvoir couper sur son bon pied, ce sont des choses sur lesquelles on a beaucoup travaillé la saison dernière et qu’on va devoir réajuster ; c’est toujours riche et intéressant.

Même question sur les relayeurs : vous jouez avec deux droitiers (Diop avec M’Changama l’an passé, avec Adeline contre Saint-Etienne samedi dernier)…

Lorsqu’on demande à ces relayeurs de plonger, on se retrouve avec deux droitiers : Momo (Diop, relayeur droit), quand il plonge à droite, il est sur son pied droit ; Youssouf (M’Changama, relayeur gauche l’an passé), quand il plongeait, il se retrouvait sur son pied gauche, et donc forcément il y a une rotation dans le couloir qui est différente à avoir.

Vous aimez avoir des « faux pieds » sur les ailes de l’attaque, pourquoi ?

Parce qu’on a l’habitude d’avoir les relayeurs qui plongent. Après, c’est une adaptation à avoir avec ce qu’on a aussi. Parfois, le gaucher est important parce qu’il amène une sensibilité différente, la faculté depuis le couloir droit de se ramener sur l’ensemble du terrain. Mais l’apport du latéral aussi est important, je pense que c’est une évolution, qu’on a trouvée sur la deuxième partie de saison l’année dernière, que l’on doit encore plus voir.

Avoir deux latéraux avec le profil plutôt offensif de Boura en même temps, est-ce possible ?

Oui, je pense. L’année dernière, on a évolué d’une façon qui nous a permis d’être stables, de ne concéder quasiment aucune transition, d’être la meilleure défense depuis la neuvième journée. Mais c’est vrai que ce que j’aime par-dessus tout, c’est l’animation des couloirs : je pense qu’on a trouvé ça l’année dernière dans un certain registre, en mettant des joueurs de percussion dans les meilleures conditions, en arrivant à avoir une faculté de plongée importante. Je pense que l’apport des latéraux, je ne vais pas dire qu’il n’a pas été suffisant, mais c’est une évolution qu’on veut amener en plus à l’équipe. On veut continuer à avoir des rotations et des déformations dans les couloirs, sans en oublier la nécessité d’être équilibrés et d’avoir des marquages préventifs. On a peu marqué sur des centres, donc on essaye d’amener une variété dans les couloirs, moins dépendante de la percussion des excentrés, et c’est logique parce qu’en plus, aujourd’hui, ils sont partis (Saïd et Irié), donc on verra comment ça s’articulera.

L’idée directrice principale, c’est d’être moins lisible ?

Je ne sais pas si c’est d’être moins lisible, parce que je pense que quand vous maîtrisez quelque chose de bien, même si l’adversaire a la sensation de savoir ce que vous faites, si vous le faites bien c’est dur à gérer. Regardez, hormis sur coups franc, on a mis très peu de buts de la part des milieux sur des frappes de loin à 20 mètres, sur des latéraux qui se projettent, qui frappent… Voilà, on doit pouvoir assister à ce genre de choses, mais pour cela il faut qu’on soit capable d’amener du monde dans la surface, d’avoir des seconds ballons, des marquages préventifs… On maîtrise la faculté d’être organisé, de se projeter, on veut amener des palettes supplémentaires. Mais je le redis, quand vous maîtrisez quelque chose de bien dans un domaine, je pense qu’il est important de continuer à performer là-dedans. On avance, on a encore beaucoup de progrès à faire, et parfois donner beaucoup d’infos et vouloir trop en faire, je trouve que ça dessert.

Comment pourrait-on résumer votre philosophie, vos principes de jeu ?

C’est toujours difficile d’évoquer cela… Déjà, je suis quelqu’un de plutôt organisé, j’aime que mon équipe soit organisée, structurée, et je pense que c’est ce qu’elle réussit à diffuser. Ensuite, j’aime la verticalité, la capacité à animer les couloirs, offensivement, défensivement, ça, c’est quelque chose d’important pour moi : fixer-renverser, aller chercher des un contre un, des deux contre deux dans le couloir, le dédoublement… Je ne veux surtout pas que mon équipe ressemble à une équipe scolaire. J’aime l’idée de créer, parfois, ce qu’on peut appeler un ¤#*ù^ organisé. Être capable de réciter, c’est bien, mais il y a des moments où il faut sortir du cadre, et j’essaye d’inviter les joueurs à faire en sorte que, parfois, on sorte un peu du cadre classique, pour aller chercher autre chose qui permet de créer le danger. Pour moi, le rapport de force est hyper important, c’est un sport d’opposition, c’est de la compétition, et j’aime ça par-dessus tout.

Et quelles sont vos influences ?

Celles que j’ai côtoyées quand j’étais joueur, tous les coachs et les équipes dans lesquelles j’ai joué. Après il y a vraiment ce que je ressens, ce qui me caractérise humainement parlant, et puis ce que j’étais comme joueur, un garçon organisé, structuré, plutôt alerte et concentré sur tout, mais en même temps compétiteur.

Dans le foot d’élite actuel, quelles équipes admirez-vous ?

Je ne vais pas être très original, mais le PSG que l’on voit actuellement… Ce qui m’inspire chez eux, c’est leur capacité technique qui fait en sorte d’avoir toutes ces rotations bien huilées dans l’équipe. Et puis surtout l’énergie et l’esprit de compétition, c’est ça qui m’inspire.

Pour un entraîneur comme vous, qu’un tel collectif, qui presse et court ensemble, domine, c’est une bénédiction pour convaincre les joueurs ?

Je pense qu’on véhicule tous ça, au quotidien, la faculté de courir, d’être dans l’énergie, de faire le moindre effort pour l’équipe. Je suis tout pour le collectif, et ça le sera toujours. Mais les jeunes joueurs, pour comprendre et faire comprendre que les meilleurs joueurs du monde font tout pour l’équipe aussi, c’est une inspiration puissance dix.

Le PSG a la volonté de récupérer très vite et très haut le ballon. C’est une tendance qui se généralise dans le foot moderne ?

Pour le coup, ce n’est pas lié aux semaines du PSG, beaucoup d’équipes le font depuis un bon moment. Il faut avoir des joueurs hyper mobiles sur le front de l’attaque, capables d’enchaîner les tâches : presser dans un temps c’est bien, mais le faire sur un second temps, de refaire les dix mètres qui font que sur un second ballon vous pouvez être présents, c’est plus difficile. Ensuite, il faut des défenseurs capables d’assumer des un contre un, donc il faut du muscle, des joueurs qui gagnent les duels aériens, parce que sinon à chaque fois que vous allez obliger l’adversaire à allonger, vous allez être en difficulté. Tout ça, ce sont des évolutions que l’on veut avoir, nous, en tant qu’équipe. On l’a fait sur certains moments, sur des phases arrêtées… Mais il ne faut pas oublier, surtout dans ce genre de championnat, que dans des moments importants du match, être structuré, bien organisé, récupérer les ballons où on le veut, quitte à ce que ça soit un petit peu plus bas sur le terrain, ce sont des choses importantes pour pouvoir aller générer des choses chez l’adversaire. Ce qui compte, c’est de maîtriser beaucoup de choses et surtout de les utiliser de manière efficiente au bon moment.

Cela nécessite une grande intelligence de jeu…

Oui, une intelligence de jeu collective, mais surtout d’avoir au cœur de votre équipe des joueurs réfléchis, qui soient capables de diffuser ça. C’est le plus dur d’avoir ce leadership, cette maîtrise tactique suffisante. C’est pour ça que, je le répète, la somme d’informations et la volonté de gérer beaucoup de choses peuvent être contre-productives.

Votre système préférentiel, c’est clairement le 4-3-3 ?

(Il réfléchit) Le 4-3-3, c’est quelque chose qui m’inspire parce que je l’ai vécu, je le connais bien, c’est quelque chose qui correspondait aussi à l’équipe quand je l’ai reprise. Mais j’aime beaucoup le 4-4-2 aussi, j’aime avoir la faculté d’avoir deux attaquants sur le front de l’attaque. Donc voilà, après il faut s’adapter aux joueurs qu’on a.

Que la pointe du milieu soit en bas ou en haut, ça change tout ?

En fait, quand vous avez une pointe basse, elle est là pour réguler les choses sur un plan défensif. Mais elle permet surtout d’avoir la faculté d’amener des supériorités avec le ballon et d’orienter le jeu de droite à gauche. Forcément, quand vous avez la volonté d’animer les couloirs, le joueur qui joue devant la défense a un rôle indispensable, c’est un moteur de l’équipe, et c’est aussi pour ça qu’on donne beaucoup de responsabilités à ce genre de joueurs. C’est un peu différent quand la pointe est inversée (avec un numéro dix), ça peut être lié à la façon dont vous pressez l’adversaire, en fonction du système dans lequel il joue. Après il faut avoir un joueur au cœur du jeu, sous l’attaquant, qui est capable de dicter le rythme du match. Tout ça est pris en compte.

La saison dernière, au poste de numéro neuf, vous avez évolué avec quatre joueurs d’un profil très différent (Ba, Ripart, De Préville et El Idrissy) : l’idéal, c’est d’avoir un condensé des quatre ?

L’idéal, c’est quelqu’un qui soit capable d’être dans le rythme du match, de lire les situations, de décrocher au bon moment pour libérer des espaces, d’attaquer la profondeur quand dans le couloir c’est un peu plus « pied », d’avoir l’esprit de compétition et puis malgré tout de marquer, parce que c’est ce qui vous permet de faire basculer un match. À nous de savoir de quelle base on part (avec les attaquants de l’effectif), et puis de les amener.

Vous avez dans votre effectif plusieurs joueurs issus de la formation troyenne, auxquels a été inculqué le City game. Quel est votre rapport à ce style de jeu ?

À la formation, ça travaille très bien. On est très content de pouvoir continuer à faire émerger des joueurs de l’académie. On leur inculque des principes très importants, et forcément quand on les reçoit, il y a des choses qui sont vraiment très intéressantes pour nous, sur un plan humain, mais sur un plan du foot aussi. À nous d’aller nous servir de ce qu’on leur a inculqué. L’idée n’est pas de les transformer, mais de continuer à les améliorer, de leur faire comprendre qu’il y a un rapport de force à avoir, et que de temps en temps, sortir de ce registre-là est aussi important.

[romainpat94@free.fr]

Très bel article de notre meilleure recrue ...

[Batman]

Merci Vince_23 pour l’article !
Excellent entraîneur qui fait avec les joueurs qu’il a à sa disposition sans broncher.