Re: [Entraîneur] Laurent Batlles >> juin 2023
Posté : 18 févr. 2021, 09:08
Laurent Batlles suspendu samedi à Valenciennes, Damien Ott prendra le relais sur le banc. Gêné de répondre à nos questions – «je ne veux pas mettre de lumière sur moi» –, l’entraîneur adjoint détaille tout de même son rôle et sa relation avec le coach de l’Estac.
Damien, ça fait quoi d’être l’adjoint d’un disciple de Johan Cruyff?!!!
Je ne sais pas si Laurent est le disciple de qui que ce soit. Il a de grandes idées et une grande réflexion sur le jeu. Alors certaines personnes initiées imaginent qu’il est influencé par Cruyff (qui jouait aussi en 3-4-3, alors en Espagne et en France, des articles l’ont évoqué) mais il fait du Batlles: il a une façon personnelle de présenter son projet de jeu, qui est novateur et audacieux. Et il est très convaincant! Il se nourrit de beaucoup de matches, il est curieux, à l’affût.
Votre rôle à ses côtés a-t-il évolué depuis un an et demi?
J’ai les mêmes prérogatives mais je comprends mieux ses attentes, ses besoins. Je sais où il veut aller. Il faut rappeler qu’on n’avait jamais collaboré ensemble! On avait des atomes crochus, une sensibilité commune, mais il n’y avait aucune garantie que ça fonctionne.
Qu’attend-il de vous?
Laurent fait beaucoup participer son staff. Vous voulez parler de moi mais je ne peux pas me dissocier du travail collectif du staff technique. Moi, je ne suis qu’une petite pièce.
«Rester à trois défenseurs? Je suis resté interloqué de sa décision!»
Vous êtes quand même son adjoint numéro un!
Adjoint numéro un, ça ne veut rien dire, je n’ai pas plus de valeur que qui que ce soit. J’essaie de le nourrir dans des réflexions, c’est très riche et intéressant. J’accompagne son projet, je tente de lui faciliter la vie de tous les jours. Mais c’est tout le staff qui fait preuve d’une grande cohésion, car on adhère tous à ce qu’il veut mettre en place. Par exemple, Romain (Brottes, analyste vidéo) fait un travail de visionnage et de montage de l’adversaire. Ensuite, on est quatre (avec Johan Liébus, l’entraîneur des gardiens) à le regarder ensemble, à échanger, pour que Laurent décide le mieux possible. Et c’est moi qui assure la présentation de la vidéo de l’adversaire aux joueurs.
Quand Yoann Salmier est expulsé face à Valenciennes en début de match et que Batlles choisit de rester à trois derrière, que lui dites-vous?
Nada! À ce moment-là, il a de suite une réaction hors norme, hors code. Moi, je me dis «tiens, on peut sortir un attaquant». Alors, moi-même je suis resté interloqué de sa décision. Je n’essaie même pas de lui proposer autre chose car avec mon expérience d’entraîneur principal, je sais que celui-ci a des intuitions; et celles de Laurent sont très bonnes. Il y a d’autres matches où il demande mais là, il était dans son délire! (il rit).
Mais quand l’Estac égalise (1-1), vous ne vous dites pas qu’il faut revenir à quatre défenseurs?
Pendant tout le match, j’aurais pu le conseiller mais sur ce match, je sais qu’il est dans sa réflexion et puis il avait déjà essayé ce système une fois (avec les jeunes à Saint-Etienne, sur une mi-temps). Entre son expérience et son feeling, il sait prendre la bonne décision.
Le match suivant, l’Estac va écraser Ajaccio 0-4 avec ce fameux système en 3-4-3...
Je me souviens très bien de la semaine entre les deux matches. Quand il nous dit que c’est le moment de rester comme ça, il n’est sûr de rien car il prend de gros risques, c’est très audacieux. On l’accompagne à fond car il est très convaincant. Je n’ai même pas livré d’arguments pour être plus en sécurité ou plus en équilibre. Le rôle du staff, c’est de lui dire: «Tu as choisi, on t’accompagne dans ta pensée jusqu’au bout.»
Vous avez quand même le droit d’émettre des avis contraires, non?
Oui, c’est aussi mon rôle. Parfois, je m’amuse à proposer des solutions différentes, pour voir comment ça réagit. C’est même un peu de la provocation, car je sais qu’il va m’opposer des contre-arguments. Je ne suis pas jusqu’au-boutiste. Quand il a décidé, j’accompagne. Si j’ai alors un avis divergent, je ne lui montre pas car je dois lui donner un maximum de confiance, pour qu’il soit dans un environnement sain et serein.
«Lors des matches, je récupère toutes ses émotions, je suis une éponge.»
N’est-ce pas frustrant pour vous, qui avez longtemps été le numéro un?
Je n’ai aucune frustration. Il dirige, j’accompagne. En ce moment, je suis à fond dans ce travail. Ensuite, l’avenir sera ce qu’il sera. J’ai des aspirations mais je les garde pour moi, ce n’est pas le moment.
Vous êtes le plus âgé (55 ans) du staff technique. Avez-vous le rôle du grand sage?
Je dégage peut-être cette image d’un homme plus âgé, plus expérimenté et plus sage mais je n’en joue pas. Notre staff sait dépasser ces considérations et veut simplement être le plus performant possible.
Pendant les matches, quelle est votre mission sur le banc?
Je suis à côté de Laurent donc je récupère toutes ses émotions (il sourit). Je suis une éponge. Me suis-je déjà fait crier dessus? Ce n’est pas encore arrivé, mais ça pourrait! Je dois amener de la sérénité, ne pas critiquer l’arbitre. J’ai craqué une fois, contre Auxerre la saison dernière, mais parce qu’on m’avait chauffé juste avant dans le couloir! Et puis je donne mon avis sur les changements. Sans filtre, je lui dis «je mettrais un tel, pas un tel». Après, il fait ses choix.
Pour vous, la Ligue 1 est-elle un rêve?
Non, mon rêve c’est d’atteindre des objectifs. Quand je dis ça, je ne dis rien car ce n’est pas à moi de fixer les objectifs du club. Ce qui me fait avancer, c’est d’apprendre, être aux contacts des joueurs, qui sont très intéressants. Mon moteur, ce n’est pas la Ligue 1, la Ligue 2 ou le National, c’est de relever des défis.
Vous avez beaucoup aidé Kiki Kouyaté la saison dernière. Ce doit être gratifiant de le voir en L1?
On est encore en contact, mais ça dépasse le cadre technique. Mon rôle d’adjoint, c’est aussi donner le bon mot au moment, avoir des petites interventions mentales qui, je l’espère, auront un effet. Mais cela se fait avec l’accord de Laurent, je reste à ma place.