Estac : Gagner sans séduire, est-ce suffisant ?
En ce moment, l’Estac prend des points mais sa manière de jouer ne convainc pas. À une époque, on disait l’inverse à propos de l’équipe de Furlan. Alors, pragmatisme ou romantisme ?
OUI, ÇA SUFFIT...
1. Car l’équipe tourne mieux comme ça
Arrivé aux commandes de l’Estac avec des ambitions offensives dans le jeu, Rui Almeida a fait marche arrière après la série de cinq défaites (entre la 2e et la 6e journées). L’urgence du résultat l’a poussé à davantage de pragmatisme. Par exemple, alors qu’il demandait aux latéraux, en début de saison, de multiplier les allers-retours dans les couloirs, il préfère désormais qu’ils montent uniquement si le jeu en vaut la chandelle.
En septembre, après l’horrible prestation au Paris FC, il a profité de la trêve internationale pour ajuster son plan de jeu. Son équipe, depuis, est plus compacte, plus solide et, surtout, va mieux au niveau comptable. Sur les neuf derniers matches, l’Estac a pris 19 points sur 27, soit une moyenne de 2,1 points par match. Sur cette période (de la 7e à la 15e journées), Troyes est la deuxième meilleure équipe du championnat, derrière Brest (21 points sur 27).
2. Car le onze type est taillé pour contrer
Ces dernières semaines, les titulaires ne changent plus beaucoup. Rui Almeida semble avoir trouvé son équipe type. C’est encore plus valable pour la ligne d’attaque, où Bryan Pelé et Bryan Mbeumo occupent les ailes, et où Kévin Fortuné, en neuf et demi, tourne autour de Yoann Touzghar. C’est-à-dire des profils véloces, percutants, ayant besoin d’espaces pour s’exprimer. Tout le contraire de Benjamin Nivet ou Vincent Marcel, par exemple.
Avec cette attaque, jouer bas doit permettre de vite lancer ses flèches en profondeur à la récupération. À titre d’exemple, il est intéressant de voir Bryan Mbeumo proposer une solution rapide dès que son gardien a le ballon dans les mains, ou Yoann Touzghar multiplier les appels dès que le ballon se retrouve dans les pieds troyens.
Seul hic dans cette stratégie de départ : Il manque un joueur capable, au milieu de terrain, d’assumer efficacement la phase de transition.
3. Car finalement, le vainqueur a toujours raison
En fait, les questionnements autour du jeu de l’Estac ressemblent étrangement à ceux qui ont accompagné le succès mondial de l’équipe de France en Russie. Didier Deschamps a revu ses ambitions de jeu à la baisse pour se concentrer sur le principal : gagner les matches. Les Bleus sont champions du monde et pourtant, la qualité de leur jeu fait encore débat. Quand ils gagnent, on dit qu’ils sont efficaces et pragmatiques ; et quand ils perdent (comme aux Pays-Bas lors du dernier match de poule de la Ligue des nations), on dit que c’est ennuyeux à regarder. En fait, les deux versions sont vraies mais cela montre qu’au bout du compte, seul le résultat compte. Et en ce moment, à l’Estac, on ne peut pas se plaindre à ce niveau-là.
NON, ÇA NE SUFFIT PAS...
1. Car le public troyen est habitué à mieux et pourrait se lasser
Biberonnés par le jeu soyeux des époques Perrin et Furlan, le public troyen en est devenu exigeant sur le plan du jeu. On n’ira pas jusqu’à dire qu’il préfère « perdre beau » que « gagner moche », mais on en n’en est pas loin. Depuis le début de saison, les spectateurs du Stade de l’Aube ne sont pas gâtés par le spectacle proposé par l’Estac. Celle-ci a battu Auxerre et Lorient contre le cours du jeu.
En fait, les supporters ont surtout vibré quand leur équipe a renversé la vapeur contre Valenciennes. Car on vient au stade pour vivre des émotions, et celles-ci passent par la qualité de jeu proposé ou par le scénario du match. Alors que Rui Almeida répète avant chaque rencontre à domicile que les supporters sont importants, ces derniers, en partie, n’ont pas encore adhéré au style proposé par l’entraîneur portugais. Pourtant, sur notre compte Twitter, à la question « L'Estac n'est pas séduisante dans le jeu mais prend des points.Vous en contentez-vous ? », nos internautes ont répondu « Oui » à 61 %. Si on repose la question dans quelques mois, la réponse sera-t-elle la même?
2. Car il en faut plus pour voir plus haut
Au cours d’un même match ou à une semaine d’intervalle, l’Estac est capable du meilleur comme du pire. Si cette inconstance est aussi liée à des facteurs psychologiques (concentration, motivation…), elle est provoquée par sa non-maîtrise du jeu, du rythme… et donc du match. Contre Lorient, l’Estac a démarré le match très bas, ses défenseurs se sont fait presser et au final, elle s’est fait balader pendant une demi-heure et aurait pu encaisser l’ouverture du score sans qu’il n’y ait rien à redire.
Ainsi, sur la durée d’une saison, on voit mal les Troyens pouvoir jouer la montée avec cette stratégie d’attente. Il en faudra certainement davantage dans le contenu des matches pour gagner en régularité et donc batailler avec les « gros ».
3. Car les joueurs prennent moins de plaisir
Pour reprendre la métaphore avec l’équipe de France Didier Deschamps, subir puis contrer (pour résumer) a parfaitement marché le temps d’un tournoi. Cela est-il viable sur plusieurs années ? L’avenir le dira. Pour l’Estac, la question se pose sur le temps d’une saison. Car, comme tous les joueurs de football, les Troyens préféreraient avoir la main sur le jeu, plutôt que de courir après. Pour le moment, ils sont irréprochables dans l’attitude mais il y a un risque, à force, que ce plan de jeu restrictif les use, voire les frustre.
De toute façon, Rui Almeida a plusieurs fois expliqué que la qualité de jeu viendrait naturellement avec la confiance et les bons résultats. Ces deux facteurs commencent à revenir, donc on attend de voir…