Re: |17/18]Bilan de la saison
Posté : 21 mai 2018, 16:36
Voici l'article de l'Est Eclair:
Estac : autopsie d’un échec
Recrutement a minima, bilan catastrophique en 2018 et prise de conscience trop tardive : l’Estac n’a pas tenu la distance en L1 malgré une première partie de saison convaincante.
Par L'Est Eclair | Publié le 20/05/2018 à 18h03
Les limites d’un recrutement à 0€
L’Estac s’est-elle donné tous les moyens pour bâtir une équipe compétitive en Ligue 1 ? La réponse est non. On n’attrape pas un requin avec une canne à pêche, et en ne déboursant pas le moindre centime en transferts cet été, l’Estac ne pouvait pas espérer ferrer de gros poissons. Elle en paie les conséquences dix mois plus tard.
Aucune des recrues n’a réellement tiré l’Estac vers le haut. Avec deux échecs significatifs : celui de Vizcarrondo, en fin de carrière, bien trop lent dans ses courses pour endosser le costume de patron de la défense. Et le prêt de Khaoui, incapable, malgré une patte gauche au-dessus de la moyenne, de s’imposer comme le leader technique du milieu de terrain.
L’équipe promue de Ligue 2 n’a pas été suffisamment bonifiée, ni par les prêts, ni par des joueurs laissés libres. Le président Masoni, échaudé par ses déboires passés avec la DNCG, n’a pris aucun risque financier, à l’inverse d’un concurrent direct comme Amiens qui a cassé la tirelire pour oser quelques paris (Konaté, Kakuta). La grille salariale de l’Estac est également bien en dessous des tarifs pratiqués en Ligue 1.
Au bout du compte, c’est avec des finances saines que l’Estac est reléguée en Ligue 2. En début d’année, Daniel Masoni, pourtant avare en chiffres, avait confié au journal L’Équipe que les bénéfices de la saison oscilleraient « entre 3 et 7 M € ». Un pécule qui permettra de rebâtir en Ligue 2 sur des bases solides. Ou bien de conclure la vente d’un club en bonne santé.
L’occasion manquée du mercato d’hiver
Dans la continuité d’un marché estival sans folie, l’Estac s’est contentée de combler, numériquement, l’absence longue durée de Dingomé par le prêt de Walter. Sans chercher à anticiper le pire. À ce moment-là de la saison, l’équipe possédait une marge confortable sur les relégables (tout en montrant des signes de fébrilité en janvier). L’éclosion de Suk (en novembre-décembre) a donné l’illusion que l’Estac avait suffisamment d’arguments offensifs, malgré un Niane (4 buts marqués à la 22e journée) en retrait.
L’Estac a eu peur d’empiler les attaquants, de déstabiliser un effectif qui « vivait bien », autant d’arguments entendus en fin de mercato.
Le club n’a surtout pas su s’accorder avec l’entraîneur pour dénicher LE joueur qui aurait mis tout le monde d’accord.
Un optimisme en décalage avec la réalité
Pour Jean-Louis Garcia, selon des propos tenus dans France Football, un bon entraîneur est un « donneur de confiance. » Une vision qu’il a poussée à l’extrême au printemps, quand l’Estac a enchaîné les contre-performances.
Jusqu’au bout, l’entraîneur troyen a minimisé les conséquences d’une série inquiétante ; il a nié l’évidence d’un calendrier indigeste à venir en fin de saison (les huit dernières journées). Un « sur-optimisme » conforté par les défaites à répétition des adversaires directs en lutte pour le maintien. Ce discours frisant la mauvaise foi, en décalage avec le bilan comptable, a repoussé une prise de conscience qui est arrivée tardivement.
Quand l’urgence de points a commencé à se faire sentir, Jean-Louis Garcia a, par exemple, qualifié le match en retard à disputer contre Dijon de « bonus. » Une erreur de communication. Le match nul (0-0) concédé au stade de l’Aube a laissé un goût d’inachevé.
Dans un environnement dépourvu de pression (voire de passion), le président Masoni a validé cette politique de l’autruche. Il a fait le choix de la continuité (pour des raisons financières ?), quand d’autres clubs (Lille et Toulouse) ont opté pour un changement d’entraîneur.
Les limites d’un système ?
L’entraîneur a fait en sorte de reproduire en Ligue 1 ce qui avait très bien fonctionné en Ligue 2. L’Estac est restée dans la continuité de son accession : bien organisée, compacte, disciplinée. Une force de résistance qui explique qu’elle a été difficile à battre (13 fois par seulement un but d’écart). C’est dans la capacité à se projeter vers l’avant, une fois le travail de récupération réalisé, que son équipe a perdu en efficacité. Dernière équipe de L1 en ce qui concerne la possession (42 %), l’Estac a fini par trop subir le rapport de force de l’adversaire. À force de plier, elle a concédé de courtes défaites en fin de match. Peut-être n’avait-elle pas des joueurs suffisamment costauds et endurants physiquement pour tenir ce schéma tactique éprouvant ? Peut-être a-t-elle trop reculé dans ce rapport de forces, ce qui l’a rendue moins incisive à la récupération du ballon ? Peut-être a-t-elle, parfois, été rattrapée par ce « monstre imaginaire » que Jean-Louis Garcia redoutait lorsqu’il évoquait cette saison en Ligue 1.
En Fin de cycle ?
Si les dévoreurs d’espaces (Grandsir, et à un degré moindre, Pelé) ont trouvé matière à s’épanouir en plongeant dans la profondeur, d’autres ont souffert à courir, presque à contre-emploi, derrière un ballon que l’adversaire a eu tendance à monopoliser (surtout à l’extérieur). Pas toujours compatible avec les compétences des trentenaires Darbion, Ben Saada, ou du quadra Nivet. Se pose la question d’une génération sans doute en fin de cycle, qui aspire à passer le témoin… mais ne trouve pas de successeurs capables de « prendre les clés du camion. »
Quand Les cadres se blessent
L’entraîneur troyen a rarement pu composer une équipe-type, avec des cadres opérationnels et au meilleur de leur forme en même temps. Nivet est resté inactif deux mois après un coup reçu en septembre sur le cou-de-pied en match amical. Mais c’est la blessure de Dingomé (rupture des ligaments croisés le 25 novembre) qui a le plus pénalisé l’Estac. Le milieu relayeur n’a jamais été remplacé tant il avait pris de l’envergure. Enfin, la blessure de Suk a stoppé le Sud-Coréen dans son élan. Et Darbion, blessé au tendon d’Achille, a fait défaut au milieu de terrain dans l’emballage final.
Le plafond de verre
Jean-Louis Garcia, toujours disposé à voir uniquement le verre à moitié plein, a régulièrement servi le plat du manque d’efficacité et de réussite dans les deux zones de vérité. Il faut surtout y voir une succession de défaillances individuelles qui sont le lot des équipes reléguées atteignant leur seuil de compétence.
Le bilan comptable de la seconde partie de saison est exécrable. L’Estac, reléguée avec 33 points (un chiffre très faible), n’a amassé que 12 points en phase retour. Signe que la plupart des joueurs estampillés Ligue 2 n’ont pas franchi le cap. Hérelle a confirmé qu’il avait la carrure, Grandisr a explosé (malgré un coup de mou après ses sélections chez les Espoirs). Les autres ont atteint le fameux plafond de verre en retrouvant ou en découvrant la Ligue 1.
Le collectif troyen s’est heurté à ses limites, celles d’un effectif voué à lutter pour le maintien. Passée l’euphorie de l’accession, l’Estac a coincé. Comme si elle avait traversé les premiers mois en surrégime.
Christophe Mallet
Estac : autopsie d’un échec
Recrutement a minima, bilan catastrophique en 2018 et prise de conscience trop tardive : l’Estac n’a pas tenu la distance en L1 malgré une première partie de saison convaincante.
Par L'Est Eclair | Publié le 20/05/2018 à 18h03
Les limites d’un recrutement à 0€
L’Estac s’est-elle donné tous les moyens pour bâtir une équipe compétitive en Ligue 1 ? La réponse est non. On n’attrape pas un requin avec une canne à pêche, et en ne déboursant pas le moindre centime en transferts cet été, l’Estac ne pouvait pas espérer ferrer de gros poissons. Elle en paie les conséquences dix mois plus tard.
Aucune des recrues n’a réellement tiré l’Estac vers le haut. Avec deux échecs significatifs : celui de Vizcarrondo, en fin de carrière, bien trop lent dans ses courses pour endosser le costume de patron de la défense. Et le prêt de Khaoui, incapable, malgré une patte gauche au-dessus de la moyenne, de s’imposer comme le leader technique du milieu de terrain.
L’équipe promue de Ligue 2 n’a pas été suffisamment bonifiée, ni par les prêts, ni par des joueurs laissés libres. Le président Masoni, échaudé par ses déboires passés avec la DNCG, n’a pris aucun risque financier, à l’inverse d’un concurrent direct comme Amiens qui a cassé la tirelire pour oser quelques paris (Konaté, Kakuta). La grille salariale de l’Estac est également bien en dessous des tarifs pratiqués en Ligue 1.
Au bout du compte, c’est avec des finances saines que l’Estac est reléguée en Ligue 2. En début d’année, Daniel Masoni, pourtant avare en chiffres, avait confié au journal L’Équipe que les bénéfices de la saison oscilleraient « entre 3 et 7 M € ». Un pécule qui permettra de rebâtir en Ligue 2 sur des bases solides. Ou bien de conclure la vente d’un club en bonne santé.
L’occasion manquée du mercato d’hiver
Dans la continuité d’un marché estival sans folie, l’Estac s’est contentée de combler, numériquement, l’absence longue durée de Dingomé par le prêt de Walter. Sans chercher à anticiper le pire. À ce moment-là de la saison, l’équipe possédait une marge confortable sur les relégables (tout en montrant des signes de fébrilité en janvier). L’éclosion de Suk (en novembre-décembre) a donné l’illusion que l’Estac avait suffisamment d’arguments offensifs, malgré un Niane (4 buts marqués à la 22e journée) en retrait.
L’Estac a eu peur d’empiler les attaquants, de déstabiliser un effectif qui « vivait bien », autant d’arguments entendus en fin de mercato.
Le club n’a surtout pas su s’accorder avec l’entraîneur pour dénicher LE joueur qui aurait mis tout le monde d’accord.
Un optimisme en décalage avec la réalité
Pour Jean-Louis Garcia, selon des propos tenus dans France Football, un bon entraîneur est un « donneur de confiance. » Une vision qu’il a poussée à l’extrême au printemps, quand l’Estac a enchaîné les contre-performances.
Jusqu’au bout, l’entraîneur troyen a minimisé les conséquences d’une série inquiétante ; il a nié l’évidence d’un calendrier indigeste à venir en fin de saison (les huit dernières journées). Un « sur-optimisme » conforté par les défaites à répétition des adversaires directs en lutte pour le maintien. Ce discours frisant la mauvaise foi, en décalage avec le bilan comptable, a repoussé une prise de conscience qui est arrivée tardivement.
Quand l’urgence de points a commencé à se faire sentir, Jean-Louis Garcia a, par exemple, qualifié le match en retard à disputer contre Dijon de « bonus. » Une erreur de communication. Le match nul (0-0) concédé au stade de l’Aube a laissé un goût d’inachevé.
Dans un environnement dépourvu de pression (voire de passion), le président Masoni a validé cette politique de l’autruche. Il a fait le choix de la continuité (pour des raisons financières ?), quand d’autres clubs (Lille et Toulouse) ont opté pour un changement d’entraîneur.
Les limites d’un système ?
L’entraîneur a fait en sorte de reproduire en Ligue 1 ce qui avait très bien fonctionné en Ligue 2. L’Estac est restée dans la continuité de son accession : bien organisée, compacte, disciplinée. Une force de résistance qui explique qu’elle a été difficile à battre (13 fois par seulement un but d’écart). C’est dans la capacité à se projeter vers l’avant, une fois le travail de récupération réalisé, que son équipe a perdu en efficacité. Dernière équipe de L1 en ce qui concerne la possession (42 %), l’Estac a fini par trop subir le rapport de force de l’adversaire. À force de plier, elle a concédé de courtes défaites en fin de match. Peut-être n’avait-elle pas des joueurs suffisamment costauds et endurants physiquement pour tenir ce schéma tactique éprouvant ? Peut-être a-t-elle trop reculé dans ce rapport de forces, ce qui l’a rendue moins incisive à la récupération du ballon ? Peut-être a-t-elle, parfois, été rattrapée par ce « monstre imaginaire » que Jean-Louis Garcia redoutait lorsqu’il évoquait cette saison en Ligue 1.
En Fin de cycle ?
Si les dévoreurs d’espaces (Grandsir, et à un degré moindre, Pelé) ont trouvé matière à s’épanouir en plongeant dans la profondeur, d’autres ont souffert à courir, presque à contre-emploi, derrière un ballon que l’adversaire a eu tendance à monopoliser (surtout à l’extérieur). Pas toujours compatible avec les compétences des trentenaires Darbion, Ben Saada, ou du quadra Nivet. Se pose la question d’une génération sans doute en fin de cycle, qui aspire à passer le témoin… mais ne trouve pas de successeurs capables de « prendre les clés du camion. »
Quand Les cadres se blessent
L’entraîneur troyen a rarement pu composer une équipe-type, avec des cadres opérationnels et au meilleur de leur forme en même temps. Nivet est resté inactif deux mois après un coup reçu en septembre sur le cou-de-pied en match amical. Mais c’est la blessure de Dingomé (rupture des ligaments croisés le 25 novembre) qui a le plus pénalisé l’Estac. Le milieu relayeur n’a jamais été remplacé tant il avait pris de l’envergure. Enfin, la blessure de Suk a stoppé le Sud-Coréen dans son élan. Et Darbion, blessé au tendon d’Achille, a fait défaut au milieu de terrain dans l’emballage final.
Le plafond de verre
Jean-Louis Garcia, toujours disposé à voir uniquement le verre à moitié plein, a régulièrement servi le plat du manque d’efficacité et de réussite dans les deux zones de vérité. Il faut surtout y voir une succession de défaillances individuelles qui sont le lot des équipes reléguées atteignant leur seuil de compétence.
Le bilan comptable de la seconde partie de saison est exécrable. L’Estac, reléguée avec 33 points (un chiffre très faible), n’a amassé que 12 points en phase retour. Signe que la plupart des joueurs estampillés Ligue 2 n’ont pas franchi le cap. Hérelle a confirmé qu’il avait la carrure, Grandisr a explosé (malgré un coup de mou après ses sélections chez les Espoirs). Les autres ont atteint le fameux plafond de verre en retrouvant ou en découvrant la Ligue 1.
Le collectif troyen s’est heurté à ses limites, celles d’un effectif voué à lutter pour le maintien. Passée l’euphorie de l’accession, l’Estac a coincé. Comme si elle avait traversé les premiers mois en surrégime.
Christophe Mallet